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Le 13 juillet 1993, un « Appel à la vigilance », signé par quarante figures de la vie intellectuelle française et européenne, alertait sur la banalisation des discours d'extrême droite dans l'espace éditorial et médiatique. Ses signataires rappelaient que ces discours « ne sont pas simplement des idées parmi d'autres, mais des incitations à l'exclusion, à la violence, au crime » et que, pour cette raison, « ils menacent tout à la fois la démocratie et les vies humaines ». En conséquence, ils proclamaient s'engager « à refuser toute collaboration à des revues, des ouvrages collectifs, des émissions de radio et de télévision, des colloques dirigés ou organisés par des personnes dont les liens avec l'extrême droite seraient attestés ».
Trente ans ont passé, et c'est peu dire que cette alerte n'a pas été entendue, notamment en France. Avec le recul, cet « Appel à la vigilance » prend la stature d'une prophétie ayant tôt cherché à conjurer ce qu'il nous faut aujourd'hui combattre : l'installation à demeure dans l'espace public des idéologies xénophobes, racistes, identitaires, rendant acceptables et fréquentables les forces politiques qui promeuvent l'inégalité des droits, la hiérarchie des humanités, la discrimination des altérités.
Quand avons-nous baissé la garde ? Quelle est la responsabilité des journalistes et des intellectuels dans cette débâcle ? Comment, au nom de la liberté de dire, de tout dire, y compris le pire et l'abject, la scène médiatique est-elle devenue le terrain de jeu d'idées et d'opinions piétinant les principes démocratiques fondamentaux ?